Exemplaire dédicacé. Dos marqué, usure aux angles
Tragédie en quatre actes.
Avant-propos d'André Cuisenier.
Bois gravé de Franz Mazereel.
À vingt-cinq kilomètres de Foix, les ruines du château de Montségur surmontent un roc solitaire, au cœur des Pyrénées. L'étendue de l'horizon, le dessin tourmenté des montagnes, l'énormité cyclopéenne des murs suffiraient à donner une impression de grandeur farouche. Mais les souterrains, les passages secrets, l'état de délabrement de l'ensemble suggèrent, en plus, un passé de combats implacables, une tragédie latente inscrite dans les pierres et que résument ces trois mots : Montségur, roc tragique, le titre même du présent ouvrage.
Et, en effet, la forteresse n'est autre que le dernier réduit où se déroula l'épisode ultime d'une des luttes les plus tragiques du Moyen Âge : la Croisade des Albigeois. Là, périrent les Cathares, ces purs entre les purs, épris d'amour divin, bâtisseurs d'une Église de l'Esprit. Mais par delà cette lutte d'autres se devinent : de la "Romanie" et de la France du Nord, de la langue d'oc et de la langue d'oïl, de l'amour courtois et de l'amour charnel, de la civilisation et de la barbarie. Et ces oppositions étendent, par des perspectives de plus en plus vastes, le champ de la tragédie.
Un sujet aussi essentiel s'imposait tout naturellement aux historiens, romanciers, essayistes, poètes qui - tels Lamartine ou Mistral, Barrès ou Jules Romains - ont exalté les vertus et le destin de leur terre natale. À ces grandes voix, Arnaud-Durand ajoute ici la sienne, plus secrète mais singulièrement émouvante. Issu de là-bas, nourri des traditions locales, ne devait-il pas en devenir le chantre ? Lui-même va vous le dire, en rappelant les principes de sa technique. Mais, trop modeste, il ne dira pas que, pour une telle œuvre, il faut un théâtre à sa mesure : un théâtre en pleine nature ; adossé, comme en Grèce, à une colline ; ou plutôt à une montagne, donc à Montségur. Et si, pour l'instant, ce n'est qu'un rêve, suivons-le à travers ces pages, et, face au Roc Tragique, assistons à une représentation invisible.
Subervie, 1963, 80 p.